fév 3, 2014

Appel à communications – Le rôle des informateurs dans la transmission et la circulation des savoirs en Afrique

Vous trouverez ci-dessous un appel à communications pour un panel intitulé « Le rôle des informateurs dans la transmission et la circulation des savoirs (XIXe- XX e siècles) », qui aura lieu à l’occasion des 3èmes rencontres des Études Africaines en France, du 30 juin au 1er juillet 2014 à Bordeaux.
Les propositions de communications (2500 signes maximum) sont attendues pour le 23 février 2014 et doivent être adressées aux organisatrices, dont les adresses mail se trouvent ci-dessous.
Contacts :
Nathalie Carré (INALCO), nathalie.carre@gmail.com
Clélia Coret (IMAf, Paris 1 Panthéon-Sorbonne) clelia.coret@gmail.com

3e Rencontres des Études africaines en France
« L’Afrique des/en réseaux »
30 juin, 1 et 2 juillet 2014
CNRS / IEP/ Université de Bordeaux

Appel à communication
Le rôle des informateurs dans la transmission et la circulation des savoirs en Afrique
( XIX e- XX e siècles)

La production des savoirs, leurs modalités de transmission et de circulation sont des sujets majeurs de la recherche, qui s’attache à les documenter toujours davantage, afin de mieux cerner les transferts de connaissances qui se sont joués entre les différentes sphères culturelles.
Dans cette perspective, l’intérêt porté aux informateurs apparaît capital, à la mesure de la place occupée par ces derniers dans la collecte et la constitution des savoirs qui se sont mis en place avec les contacts entre Afrique et Occident à partir du xix e siècle. Au moment de l’exploration du continent, de la conquête coloniale puis de la période coloniale notamment, l’expérience des « compagnons obscurs », comme les a appelé Donald Simpson (1975), est indispensable aux voyageurs, missionnaires, chercheurs de tous horizons : ils guident, négocient, traduisent, transmettent des connaissances. Pourtant, si les noms de quelques-uns de ces informateurs sont passés à la postérité (Mtoro bin Mwenyi Bakari, plus tard Ogotemmêli, Amadou Hampâte Bâ), leurs parcours et les apports qu’ils ont légués restent encore relativement méconnus, même si de récents ouvrages tendent à les renseigner (voir Lawrance, B., Osborn, E.-L, Roberts, R. (eds.), 2006 ; Wimmelbücker, L., 2009).
Ce panel se propose de réfléchir de manière transdisciplinaire à la figure de l’informateur, en croisant notamment les approches historiques, ethnographiques et littéraires. Les propositions de communications, en français ou en anglais, peuvent s’inscrire dans l’un des trois axes développés ci-dessous. D’autres propositions en lien étroit avec le panel peuvent néanmoins être faites et seront étudiées avec attention.

Axe 1 – Sortir de l’ombre des parcours inédits
L’axe 1 du panel s’intéresse à des parcours individuels inédits de « compagnons obscurs » au moment de la conquête coloniale et au cours de la colonisation. La question des sources y est centrale : comment les vies de ces hommes et femmes sont-elles documentées ? Ces informateurs ont-ils fait « œuvre » et sous quelle(s) forme(s) (récits de voyage, traités, relations ethnographiques, récits oraux…) ? Comment le chercheur a-t-il accès à leur voix ?
Les communications qui s’inscriront dans cet axe seront attentives à comprendre les activités de ces informateurs en lien avec les agendas politiques et sociaux locaux immédiats : qui sont les informateurs ? À quelle couche sociale de leur société appartiennent-ils ? Comment et pourquoi sont-ils devenus des informateurs ?
Il s’agira aussi de poser la question de leur dénomination dans le champ de la recherche. Sont-ils des intermédiaires, des middlemen , des « cross-cultural brokers » ? Ces termes sont-ils appropriés, dans la mesure où ils évoquent une conception binaire et simplifiée de la rencontre entre, d’un côté, les colonisateurs européens et, de l’autre, les colonisés africains ? D’autres terminologies pourront être proposées et discutées.

Axe 2 – Transmettre : ce que révèlent les usages linguistiques
Le deuxième axe concerne les usages linguistiques mis en place entre les informateurs et leurs interlocuteurs européens. L’utilisation des langues africaines a été un vecteur important de la domination coloniale. À travers divers champs de savoirs – la géographie, la religion, l’histoire des populations, etc. – tout un vocabulaire spécifique a été traduit.
Quels mots transmet-on ? Que désigne-t-on ? Parle-t-on de la même chose ? Plusieurs décennies après les premiers dictionnaires et grammaires sur les langues africaines, que nous apprend le recul pris sur ces travaux des incompréhensions qui ont pu se produire à l’époque ? Que révèlent-elles sur la nature de ces contacts ?
Par ailleurs, par quels biais et circuits les connaissances recueillies se sont-elles transmises dans les sphères européennes et africaines : quels échanges de savoirs se sont mis en place et selon quelles modalités ? Quelles traces conservons-nous des connaissances échangées, sous quelles formes ont-elles circulé, auprès de quels publics ? Le rôle des sociétés savantes comme des confréries pourra être étudié, tout comme les formes littéraires choisies pour la transmission des connaissances.

Axe 3 – Figures littéraires
Dès les textes d’exploration, les notations qui enserrent les existences d’informateurs au sein des pages apparaissent nombreuses, mais certains d’entre eux ont été amenés à faire œuvre littéraire (Amadou Hampâté Bâ peut en représenter un cas typique) et le personnage même de celui-ci, intermédiaire, guide, traducteur… est une figure récurrente en littérature ( L’étrange destin de Wangrin d’Amadou Hampâté Bâ ; Le collectionneur de mondes d’Ilija Troianow…). Ce troisième axe propose de s’intéresser à la manière dont l’informateur est devenu une figure littéraire et ce qui se joue dans la « transformation romanesque » des existences : quels traitement des faits et des existences par la fiction, à l’heure où se développe notamment un engouement perceptible pour les « lectures croisées » sur l’histoire ? Quelles figures sont choisies, comment sont-elles traitées ? La littérature étant un lieu de transmission de savoirs, on pourra également s’interroger sur l’importance des circuits éditoriaux selon les différentes sphères culturelles et linguistiques. Les études de cas sont les bienvenues, et notamment lorsqu’elles renseignent des textes issus de sphères linguistiques africaines, tout autant que les contributions comparatiste à visée plus globale.

Bibliographie indicative
Chrétien , J.-P., « Les traditionnistes lettres du Burundi à l’école des Bibliothèques Missionnaires (1940-1960) », History in Africa , vol. 15, 1988, pp. 407-430.
Chrétien , J.-P., « Les premiers voyageurs étrangers au Burundi et au Rwanda : les ‘compagnons obscurs’ des ‘explorateurs’ », Afrique et Histoire , vol. 4, 2005, pp. 37-72.
Duluq , S., Zytnicki , C. (dirs.), Dossier « Savoirs autochtones et écriture de l’histoire en situation coloniale (XIXe-XXe siècles). Informateurs indigènes, érudits et lettres en Afrique (nord et sud du Sahara) », Outre-mers. Revue d’histoire , n° 352-353, 2006.
Fabian , J., Out of Our Minds : Reason and Madness in the Exploration of Central Africa , Berkeley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 2000.
Geider , T., « The paper memory of East Africa : ethnohistories and biographies written in Swahili », in Harneit-Sievers , A., A place in the World, New Local Historiographies from Africa and South Asia , Leyde/Boston/Cologne, Brill, 2002, pp. 254-287.
Geider , T., « Early Swahili Travelogues », in Graebner , W. (ed), Sokomoko : Popular Culture in East Africa , Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1992, pp. 27-65.
Heintze , B., Jones, A. (eds), European Sources for Sub-Saharan Africa Before 1900. Use and Abuse – special issue of Paideuma , vol. 33, 1987.
Hiribarren , V., « A European and African Joint-Venture : Writing a Seamless History of Borno (1902-1960) », History in Africa , 2013, vol. 40, pp. 77-98.
Jones , A. , Voigt , I, « Just a First Sketchy Makeshift. German Travellers and their Cartographic Encounters in Africa 1850-1914 » , History in Africa , 2012, vol. 39, pp. 9-39.
Kresse , K., Marchand T., Knowledge in Practice : Expertise and the Transmission of Knowledge , Édimbourg, Edinburgh University Press, 2009 .
Lawrance , B., Osborn , E.-L., Roberts , R. (eds.), Intermediaries, Interpreters, and Clerks. African Employees in the Making of Colonial Africa , Madison, The University of Wisconsin Press, 2006.
Piriou, A., « Intellectuels colonisés et écriture de l’histoire en Afrique de l’Ouest (c.1920-c.1945), in Dulucq , S., Zytnicki , C., Décoloniser l’histoire ? De « l’histoire coloniale » aux histoires nationales en Amérique latine et en Afrique (XIXe-XXe siècles ), Paris, Publication de la Société Française d’Histoire d’Outre-Mer, 2003, pp. 59-81.
Schumaker , L., Africanizing Anthropology. Fieldwork, networks, and the making of cultural knowledge in Central Africa , Durham, Duke University Press, 2001.
Sibeud, E., Une science impériale pour l’Afrique ? La construction des savoirs africanistes en France (1878-1930) , Paris, Éditions de l’Ehess, 2002.
Simpson, D.H., Dark Companions : the African contribution to the European Exploration of East Africa , Londres, P. Elek, 1975.
Van den Avenne , C., « ‘De la bouche même des indigènes’. Le statut de l’informateur dans les premières descriptions de langues africaines à l’époque coloniale », Glottopol , n° 20, 2012, pp. 123-141.
Wimmelbuker , L., Mtoro bin Mwinyi Bakari, Swahili lecturer and author in Germany , Dar es Salaam, Mkuki na nyota Publishers, 2009.

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