oct 22, 2013

La newsletter du CERI – Octobre 2013

In Memoriam : Bastien Irondelle (1973-2013)
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Par Christian Lequesne, directeur du CERI

C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que la communauté des chercheurs du CERI a appris le 27 septembre 2013 le décès de son collègue Bastien Irondelle, des suites d’une longue maladie. Bastien Irondelle avait 40 ans.

Bastien Irondelle appartenait à la génération des européanistes formés à la fin des années quatre-vingt-dix qui ont contribué à renouveler les études françaises sur l’Union européenne. Ayant choisi de se spécialiser dans les questions de sécurité et de défense, il a contribué à nourrir les études dans ce domaine souvent délaissé par les sciences sociales françaises. En parallèle, Bastien Irondelle développa aussi une grande connaissance des théories des relations internationales, autre domaine dans lequel la science politique française pourrait faire bien mieux en faisant preuve d’un peu plus d’ouverture. Bastien Irondelle en était d’ailleurs convaincu et s’en émouvait parfois.

Boursier DGA, Bastien Irondelle avait rédigé sous la direction de Samy Cohen sa thèse de doctorat sur la réforme des armées françaises de 1996, qui empruntait beaucoup à la théorie de la décision, montrant ainsi le large spectre de ses intérêts. Elle lui avait valu en 2004 le Prix de l’IHEDN avant d’être publiée sous la forme d’un ouvrage aux Presses de Sciences Po. Très attaché à la recherche fondamentale, publiant dans les meilleures revues à comité de lecture (notamment de langue anglaise), Bastien Irondelle aimait aussi fréquenter les experts en stratégie et les militaires. Il était convaincu que la bonne recherche fondamentale ne consiste pas à cultiver l’entre-soi, mais au contraire à échanger avec des mondes porteurs de savoirs différents.

Très intéressé par la politique de défense de l’Union européenne et du Royaume-Uni, Bastien Irondelle avait développé une coopération très étroite avec les universités britanniques. Il avait été en 2009-2010 Deaking Fellow au St Anthony’s College d’Oxford et en gardait un excellent souvenir. Ses recherches en avaient profité, mais plus généralement aussi sa compréhension de l’université. Bastien Irondelle était rentré de ce séjour britannique en ayant beaucoup observé l’articulation entre recherche et enseignement et en étant convaincu que la force de toute université moderne réside dans la qualité mais aussi la diversité de sa faculté permanente.

Bastien Irondelle était une personnalité très attachante. Franc et direct, il vous faisait part en quinze secondes d’un accord ou d’un désaccord.  Si Bastien Irondelle savait de ne pas dire tout ce qu’il pensait, afin de ne pas blesser, on était certain que ce qu’il disait, il le pensait. Dans les réunions entre collègues, Bastien Irondelle n’était pas un homme à abuser de formules construites comme des statues de Bernini pour faire valoir de petits intérêts en se dévoilant le moins possible. Il aimait parler net et terminait généralement ses phrases par une position.

Engagé dans la vie collective du CERI et de Sciences Po en tant qu’élu du conseil d’unité, mais aussi en tant que syndicaliste, Bastien Irondelle était un homme qui ne renonça jamais à exercer son libre-arbitre. Il exprimait sa voix tout en respectant ceux qui ne pensaient pas comme lui. Sort classique des libéraux, il se retrouvait parfois seul et, dans ce cas, n’hésitait pas à démissionner dans un pays où, paraît-il, on ne démissionne jamais. Bastien Irondelle se comportait avec une éthique de l’indépendance qui ne pouvait que forcer le respect et l’admiration. Il était fondamentalement un honnête homme.

Bastien Irondelle a lutté contre une terrible maladie avec énormément de courage mais aussi de pudeur. Il a tenu à être présent au laboratoire jusqu’au dernier moment, répondant aux e-mails de ses collègues, élaborant avec eux des projets et conseillant les doctorants qu’il aimait tant, probablement parce qu’il n’avait jamais oublié qu’il en avait été un lui-même au sein du CERI.

Par son œuvre et sa personnalité, Bastien Irondelle a honoré le CERI, Sciences Po et plus largement la société des hommes. A Sandra, son épouse, et à leur quatre enfants, nous redisons combien nous l’avons aimé et combien il nous manque à nous aussi.

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