oct 24, 2013

Appel à Com : L’observation participante : Défis et opportunités du chercheur acteur de son objet

6e Journée d’étude de l’AJPB*  21 mars 2014 – Sciences Po Bordeaux

Appel à communications  L’observation participante : Défis et opportunités du chercheur acteur de son objet
Avec le soutien de Sciences Po Bordeaux, du Centre Émile Durkheim et Les Afriques dans le Monde.

C’est parce que « *le savoir de l’homme sur l’homme est inséparable du cheminement de l’être individuel qui le découvre* » que s’est posée en sciences sociales la question des difficultés liées à la plus ou moins grande proximité que le chercheur entretient avec son objet. Cette question s’est avérée d’autant plus pertinente que l’expérience de terrain est une expérience cognitive qui engage le chercheur à réfléchir sur les dimensions sociale, psychologique, économique, éthique et politique de son immersion.

Les sciences sociales ont ainsi développé une réflexion méthodologique et épistémologique importante sur les difficultés inhérentes à l’observation de groupes perçus comme « lointains » et sur l’illusion de proximité ou au contraire d’objectivité que cette perception pouvait engendrer (Althabe, Chéryonnaud, et Le Wita 1989; Geertz 1985; Lévi-Strauss 1983). Plus récemment, suivant peut-être l’exemple de l’anthropologie dans son exploration du « proche », les sciences sociales se sont intéressées de façon grandissante aux conditions d’engagement et de distanciation (Elias 1993) qui s’offraient au chercheur lorsque celui-ci était également acteur de son propre objet.

Si cette question éclaire l’enquête de terrain en général, elle semble d’autant plus pertinente en situation d’observation participante. En effet, l’intérêt de cette méthode dépend de la capacité du chercheur à devenir acteur à part entière du groupe auprès duquel il enquête. La conciliation peut parfois s’avérer schizophrénique entre l’engagement pratique du chercheur et le souci de rupture épistémologique auquel sa formation méthodologique l’avait préparé. Présentée comme une *« méthode essentielle pour donner accès à ce qui se cache, retracer l’enchaînement des actions et des  interactions, ou encore saisir ce qui ne se dit pas ou ‘‘ce qui va sans dire’’ *» (Chauvin et Jounin 2010, 145), les promesses de l’enquête par observation participante semblent souvent se dérober sous les pieds du chercheur entraîné dans les activités quotidiennes et affectives qu’il entretient avec ses enquêtés. Or, le fait même qu’il s’agisse d’une méthode par immersion représente à la fois toute la richesse et la difficulté de ce mode d’enquête. Cette journée d’étude aura ainsi pour but d’explorer les tensions qui existent entre les opportunités privilégiées de ce mode d’enquête et les défis quotidiens qu’il génère.

Depuis une vingtaine d’années, la littérature en sciences sociales fait mention d’expériences d’observations participantes très variées. Celles-ci peuvent être vécues comme plus ou moins imposées au chercheur (Broqua 2009; Wacquant 1989), être menées cachées (Bizeul 2007) ou à découvert (Pinçon et Pinçon-Charlot 1997), sollicitant différents rapports de négociations avec l’enquêté, pouvant le contraindre à se positionner et/ou à être instrumentalisé (Gallenga 2005).

Cette journée d’étude cherchera à dépasser le « récit de terrain » pour proposer un échange épistémologique et méthodologique, basé sur des exemples concrets de la relation qu’ont entretenue les jeunes chercheurs ou chercheurs confirmés avec leurs enquêtes, dans le cadre d’une observation participante. Les communications interrogeront ainsi la relation à l’objet : le lien qui se tisse nécessairement entre l’objet, sa construction, la préparation du terrain, l’observation et la collecte d’information, ainsi que leur analyse scientifique.

Trois axes, autour desquels la journée s’articulera, sont ainsi proposés.

Axe 1 : Une méthodologie aux frontières de la science politique
Comme en témoigne la littérature sollicitée, la méthode de recueil de données par l’observation participante a été développée et est particulièrement utilisée en anthropologie ainsi qu’en sociologie. Elle l’est aussi de plus en plus en science politique, discipline qui s’est instituée à l’origine dans une démarche inspirée des sciences juridiques mais aussi autour des questions d’aide à la décision, à l’écart des débats méthodologiques (Favre 1989; Seidelman et Farr 1993). L’introduction de l’observation participante comme mode d’enquête en science politique soulève trois séries de questions :

– Compte tenu des objets, terrains et approches théoriques qu’elle mobilise, la science politique offre-t-elle un regard particulier par rapport à la réflexion sur les modalités de mise en œuvre de l’observation participante ?

– Quelles évolutions l’introduction d’une telle méthodologie accompagne-t-elle dans une discipline initialement consacrée à une réflexion sur l’État, sa genèse et sa construction ? Quelles directions promeut-elle ? Où résiderait son intérêt ?

– Pour répondre aux problèmes qu’il rencontre pendant l’enquête, le chercheur en science politique est souvent amené à chercher ses informations dans la littérature produite dans d’autres disciplines, que ce soit la sociologie, l’anthropologie ou la psychologie. Quelles sont les implications et conséquences de ces emprunts méthodologiques interdisciplinaires ?

Axe 2 : Observer et participer tout en étant « financé par son terrain »
Le fait d’être financé par un des acteurs principaux de son objet (recherche dans le cadre d’une thèse CIFRE par exemple) est de plus en plus fréquent et pose un certain nombre de questions sur le plan méthodologique. Si cette situation offre au chercheur immergé un point d’observation privilégié lui permettant d’avoir une connaissance fine de son terrain, de ses enjeux, de ses acteurs, de ses modes de fonctionnement, elle présente également des contraintes. Elle interroge la posture de « salarié – chercheur » qui doit participer aux activités de l’organisation en tant qu’acteur missionné sur des fonctions spécifiques, soumis à des exigences professionnelles, à une hiérarchie, en interaction avec des collègues, et dont les missions peuvent être étroitement liées à son objet de recherche. Ces injonctions paradoxales d’observation et de participation qui entraînent une gymnastique de positionnement et de présentation de soi (chercheur, acteur) ne sont pas neutres et amènent à un travail d’objectivation complexe sur le plan scientifique :

– Comment se positionner en tant que chercheur salarié auprès de sa hiérarchie et de ses collègues notamment quand ceux-ci constituent une partie de son objet de recherche ? Que dire ou ne pas dire de sa recherche ? Comment gérer la distanciation et prendre en compte cette posture dans la conduite de la recherche, notamment dans la récolte et l’interprétation des données ?

– Comment gérer méthodologiquement l’imbrication de son objet de recherche et de ses missions professionnelles ? Comment concilier exigences et contraintes scientifiques et professionnelles ? Comment articuler les sollicitations à court terme des employeurs et le temps long que nécessite la recherche ?

Les propositions pourront également traiter des situations de recherche avec contrat sans rémunération (telles que les stages) ou avec un contrat « implicite » (telles que le volontariat en association), dès lors que les cas soulèveront des questionnements équivalents.

Axe 3 : Restitution et réflexivité
L’observation participante implique le chercheur dans une expérience inédite : il s’agit pour lui, soit de devenir chercheur dans un contexte qui lui est familier, soit d’apprendre à être acteur d’un milieu qu’il découvre. Le succès de l’enquête dépend ainsi de sa capacité à apprécier, dans le groupe qu’il étudie et auquel il participe, l’éventail des choix qui s’offrent à lui, de sa propension à innover par rapport à ses propres pratiques et à bricoler des compromis entre des compétences et des dispositions qu’il a acquises au cours de sa socialisation académique aussi bien que non académique.  Au final, « réussir » une observation participante se résume-t-il simplement à faire preuve de beaucoup de réflexivité (Bourdieu 1992, 207‑ 223) ? Si celle-ci peut être abordée sous de multiples aspects, nous invitons les communications à se pencher plus particulièrement sur la question des modalités et des temporalités de restitution des données (Flamant 2005; Rossi et al. 2008; Zonabend 1994).

– La restitution partielle d’analyses au cours du terrain auprès des enquêtés peut permettre au chercheur d’expérimenter ses résultats sur son objet en analysant les réactions des enquêtés. Elle met aussi en scène les questions de performativité et de normativité lorsque la frontière se fait fine entre conversations professionnelles et désir de transformer son objet.

– La restitution finale adressée au monde académique ou à celui dans lequel on a été immergé ; que dit-on ou ne dit-on pas ? Il s’agit d’une question d’éthique qui confronte l’attachement parfois contradictoire entre les valeurs liées aux relations avec le milieu scientifique et avec celui de l’immersion. Les ressentis sont multiples : sentiment de trahison, de responsabilité professionnelle, intérêt de ne pas fermer des portes pour des terrains ultérieurs, de mettre à mal sa réputation académique (Duval 2002) ou encore de se froisser avec son milieu d’origine (Bizeul 2012). Jusqu’à quel point faire mention du chemin personnel effectué dans la restitution ? S’agit-il d’écrire un ouvrage annexe pour en témoigner (Caratini 2004; Pinçon et Pinçon-Charlot 1997) ou faut-il au contraire l’intégrer (Anderson 1981; Bizeul 1999; Bourgois 1996; Favret-Saada 1981) ? Quels sont les modes de restitution aujourd’hui pratiqués et quelles peuvent en être les implications sur le terrain et les conséquences pour l’objet de la recherche ?

 

Modalités de soumission
Cet appel à communications s’adresse en priorité aux jeunes chercheur.e.s : doctorant.e.s, jeunes docteur.e.s et postdoctorant.e.s, mais il peut également concerner des chercheur.e.s en poste. Les communications attendues peuvent répondre à un ou plusieurs des axes proposés, mais également reprendre des problématiques transversales à ces axes. *Les propositions de contribution (2 pages au maximum) doivent être adressées aux organisateurs (**contact.ajpb@gmail.com* <Contact.ajpb@gmail.com>*) au plus tard le 2 décembre 2013*.

Les communications, d’une longueur maximale de 60 000 signes (bibliographie comprise), devront parvenir au comité le 2014 au plus tard, afin de permettre aux discutant.e.s et autres participant.e.s de travailler sur les textes.

Mentions obligatoires : Nom, prénom, établissement, laboratoire, fonction, email.

Calendrier
*2 décembre 2013* : date limite d’envoi des propositions
*20 décembre 2013* : retour des évaluateurs
*17 février 2014* : rendu des versions finales des papiers des auteurs sélectionnés
*21 Mars 2014* : journée d’étude

 

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Comité d’organisation
Audrey Alejandro, Clément Arambourou, Fatimata Sempala Balima, Sébastien Chailleux, élodie Escusa, Armelle Gaulier, Amandine Montagut, Cindy Morillas, Clélie Nallet, Nadia Okbani, Nicolas Rocle, Céline Ségalini, Damien Simonneau, Anaïs Theviot, Damien Vallot, (doctorant.e.s, Les Afriques dans le Monde – UMR 5115 / Centre Émile Durkheim – UMR 5116, Université de Bordeaux).

 

 

 

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