juin 12, 2014

Journées d’études : “Islam, ‘esclaves’ (ou ‘castés’) et catégories de race en Afrique de l’ouest musulmane” — (5 & 6 juin, Paris)

Laboratoire d’Anthropologie Sociale,
Collège de France,
52 rue du Cardinal Lemoine,
75005 Paris
Programme

Les intervenants du premier panel mettront en tension deux modalités de « l’argument de race», l’appartenance à l’islam ou son exclusion articulées à propos des « esclaves » ou des « castés » (artisans, griots…). La première modalité prégnante dans la boucle du Niger, privilégia l’ancestralité
arabe ou islamique. A l’opposé, les esclaves sont marqués jusqu’à maintenant par la « macule de l’infidélité » (stain of infedility) car, selon le droit religieux (fiqh), c’est elle et non la couleur de peau qui est la justification de la mise en esclavage lors d’un jihâd. Et ce, même après conversion comme le démontre Bruce Hall dans A History of Race in Muslim West Africa, 1600-1960 (2011).
Une seconde modalité plus inclusive mit en avant la conversion et l’apprentissage du savoir coranique et islamique (‘ilm) ou de la connaissance mystique. Celle-ci prévalut dans l’ensemble Mauritano- Sénégambien à partir de la fin du XVIIe siècle comme le montre Rudolph Ware dans The Walking Qur’an (2014). L’islam émancipa les esclaves une première fois à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles lorsque les fondateurs des imamats Fulbe/Fulani et le califat de Sokoto (Nigeria) luttèrent contre la mise en esclavage des musulmans. Cette période coïncidant avec les premières abolitions de la traite atlantique, on prendra la mesure des malentendus entre l’abolitionnisme occidental et celui d’Afrique de l’Ouest restreint aux musulmans. Le second moment d’émancipation de la fin du XIXe et du début du XXe siècles fut impulsé par les ordres soufis post-jihâd (Muridiyya) précédant souvent les abolitions « légales » de 1904/1905.
II. La seconde matinée s’interrogera sur les autres fondements de la résilience contemporaine des catégories de « descendants d’esclaves » ou de « castés ». Ces catégories qu’on ne peut plus confondre avec des groupes discrets, sont prises dans des relations transversales aux autres champs
du social : parenté à plaisanterie, relations de pouvoir ou types d’extranéité. Cet ensemble est néanmoins fragmenté par des distinctions purs/impurs, des références à des substances corporelles véhiculant des valeurs morales et esthétiques, couleurs de peau ou humeurs vitales (sang, lait…). Quelles sont les réponses des individus ou des groupes face à l’invocation de ces « humeurs morales » ? Stratégies de mobilisation, inversion du stigmate, quête de la reconnaissance islamique…? Nous croiserons également les questions de race, de catégories sociales et de genre selon la perspective de l’intersectionalité. Il existe des différences marquantes selon qu’on est un homme ou une femme esclave, surtout du point de vue du mariage, de l’héritage, et de la filiation, et bien évidemment des activités serviles.
III. Depuis la fin des années 2000 et avant les fracas du Nord Mali, plusieurs mouvements sociaux ou anti-slavery movements (ASMs) abordés lors de la troisième matinée, remettent en cause « l’esclavage » à partir de l’islam même. Ce faisant, ces mobilisations récusent une historiographie
issue de la traite atlantique qui envisageait le racisme de couleur comme une justification de l’esclavage, l’islam étant réduit à une « idéologie ». Trois mouvements plus récents soit reformulent l’agenda abolitionniste, soit se situent en dehors de celui-ci. La première stratégie est illustrée par
l’IRA en Mauritanie, regroupant de nombreux harâtîn affranchis et descendants d’esclaves. Son dirigeant mit en cause publiquement en 2012 des énoncés du fiqh malékite. En revanche, chez les Haalpulaaren du Sénégal et de Mauritanie, les subalternes d’Enndam Bilaali, s’emparent du nom
d’esclave et inversent les stigmates de leur infériorité sociale et de leur « ignorance » de l’islam. Le troisième espace, celui des Touaregs de la boucle du Niger au Mali, voit l’émergence d’associations Bellah : TEMEDT, MBJEN…
IV. Lors de la quatrième matinée consacrée au festival de vidéo de recherche sur les traites, les esclavages et leurs héritages du CIRESC, seront montrées les images des traces de l’émancipation des esclaves au Mali au début du XXe siècle comme les luttes actuelles pour la reconnaissance
islamique.

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